Par l’équipe de direction de la revue
L’Anthropocène n’est pas seulement une crise écologique, c’est une crise de nos modes de productions, de nos institutions, de nos attachements et de nos manières d’habiter le monde. Face à l’effondrement du Vivant, face au monstrueux qui surgit des ruines de la Modernité, nous ne pouvons trouver refuge dans la sidération ni le silence.
Il faut aujourd’hui, plus que jamais, étudier, explorer, essayer, questionner, échouer, déconstruire, reconstruire, consolider, admirer, réimaginer et cultiver la diversité des rapports au monde. Ce mouvement permanent est une poche de résistance au fatalisme et à l’indifférence. Nous sommes convaincus que la science et le rapport sensible au monde – à travers l’art, la poésie ou l’expérience vécue – peuvent, par leur alliance, venir fissurer la tyrannie de l’imaginaire capitaliste.
Nous refusons les silos disciplinaires. Là où tant cloisonnent, nous préférons relier. Nous tissons des passerelles entre la rigueur scientifique et la sensibilité artistique, entre les sciences sociales, la philosophie, l’écologie, l’économie, l’Histoire, les arts visuels et la littérature. Nous croisons les regards et les savoirs. Nous défendons l’idée que la pensée ne s’exprime pas uniquement dans le langage froid des chiffres et des théories. Elle ruisselle de tous les modes d’expressions qui nous sont donnés, de toutes les formes de sensibilités humaines, voire plus-qu’humaines. Car imaginer d’autres mondes suppose aussi de les raconter autrement, de briser le carcan des formes établies. C’est pourquoi nos pages accueillent aussi bien des articles académiques revus par les pairs, que des essais, des récits lyriques ou encore des représentations visuelles.
Nous refusons les évidences toutes faites, nous traquons les angles morts. Nous nous engageons dans une critique active et lucide des modèles socioéconomiques dominants. Notre revue est un espace d’expérimentation intellectuelle, où les idées s’affrontent et se lient, où la pensée se renouvelle en se frottant à d’autres perspectives, en continu. Nous croyons au débat, à la confrontation féconde des points de vue, à la nécessité d’une pensée qui ne se replie pas sur elle-même, mais qui s’éprouve dans le dialogue.
À travers nos pages, “par-delà nature et culture”, nous nous efforçons de penser la communauté humaine dans son véritable cadre : celui du Vivant.
Habiter le monde ne peut se réduire à extraire des ressources et à les mettre en commun. Habiter le monde, c’est s’y ancrer, c’est reconnaitre la multiplicité de nos attachements, dans leurs forces comme leurs faiblesses : c’est chérir notre interdépendance primordiale et inaliénable au Vivant.
Nous écrivons pour comprendre, mais aussi pour nourrir et transformer : nous voulons une pensée agissante.
Étymologiquement, Œconomia Humana représente la jonction entre l’oïkos (la maison, la famille, l’habiter), le nomos (la/les norme(s), le comportement normé, l’esprit d’une norme) et l’humain, l’anthropos. Dans un moment critique, marqué par des polycrises sociales et écologiques, il est indispensable de transformer la relation entre l’humain et l’oïkos/nomos, à savoir l’économie au sens de modes et règles d’organisation de l’espace partagé par la famille des Vivants. Il faut s’assurer que l’organisation de cet oïkos et les normes qui la régissent permettent l’habitabilité de cet espace partagé pour l’ensemble de la communauté humaine. Œconomia Humana, c’est une invitation à mettre de côté les propensions dominatrices du dualisme cartésien pour chérir nos relations au Vivant, pour honorer la vie commune et l’entraide mutuelle, dans des espaces de vie que “nous” nous sommes pourtant évertués à ruiner ces derniers siècles.
D’autres mondes sont possibles, à nous toutes et tous de les penser et de les faire advenir.
L’équipe de direction de la Revue Œconomia Humana
